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Pour créer un jardin écologique permanent

par Éliane Houle  
Photo: Nicole Deschamps
Je pratique le jardinage écologique et biologique depuis plus de 30 ans après avoir visité, en 1975, des endroits de la Californie où des jardins luxuriants n'avaient recours à aucun engrais artificiel et harmonisaient leurs formes avec un paysage grandiose. Le jardin faisait partie de la vie de famille et il était adapté à ses besoins, et non l'inverse.

J'ai découvert le concepteur du jardin autofertile à la fin des années 70 avec la lecture de La révolution d'un seul brin de paille, de Masanobu Fukuoka1, un microbiologiste et agriculteur japonais qui a propagé sa philosophie du "non-agir" à travers les continents dans les années 80. Cette technique d'agriculture naturelle préconise l'action simultanée d'éléments naturels qui, ensemble, ont un effet plus grand que la somme de leurs parties. On y cultive les plantes dans un sol sauvage qui s'autofertilise perpétuellement et se travaille par lui-même (sans travail du sol et sans labour). Un fait étrange, c'est qu'à la même époque (fin des années 70), un chercheur australien, Bill Molisson2 et son élève David Holmgren3 instauraient une philosophie semblable, la permaculture. Cette approche de l'agriculture consiste à créer un design, un aménagement et l'installation de structures permanentes créant l'harmonie entre les divers éléments naturels et l'homme. La permaculture renverse les dogmes de l'agronomie traditionnelle et propose un nouveau mode de production agricole sans labour ni sarclage, sans engrais ni pesticide. Elle préconise des procédés qui minimisent l'action humaine sur les écosystèmes tout en diminuant la consommation énergétique. Les pratiques de la permaculture se sont répandues partout dans le monde. En feuilletant d'anciennes revues des années 80 (The Permaculture Activist4), j'ai découvert que ces grands chercheurs se connaissaient et qu'ils avaient mis en commun leurs connaissances et leurs découvertes. A mon avis, ils ont changé la vision de l'agriculture dans le monde entier.

Au début des années 80, mes enfants et moi avons construit notre maison écologique en tentant d'intégrer les éléments de la nature à notre vie quotidienne. Lorsque je regardais mon jardin par la fenêtre, il y avait un hic ! Malgré ces belles rangées de légumes bien alignés, je constatais que mon jardin n'était pas assorti avec mon habitat ni avec nos habitudes de vie. J'étais fascinée par la philosophie, les méthodes et surtout les résultats de la permaculture et du jardin autofertile, mais ces techniques venues d'ailleurs et adaptées surtout à un climat tropical me semblaient à mille lieues de ma réalité québécoise.

Il y a six ans, j'ai suivi une formation sur la permaculture et les jardins autofertiles offerte par le RJÉ et donnée par Réjean Roy; sans exagérer, cette expérience a changé le cours de ma vie. Après avoir travaillé pendant plusieurs années dans le milieu communautaire et en éducation, je suis revenue vers mes amours, et aujourd'hui, je consacre toutes mes énergies à ce jardin que j'appelle le jardin écologique permanent. J'ai expérimenté des dizaines de jardins autofertiles en intégrant les principes de la permaculture, et ça marche!

L'art d'installer un jardin écologique permanent signifie créer un environnement qui ressemble le plus possible à la nature dans son état sauvage. On doit tenir compte du fait que le labour tue la vie dans le sol, que les engrais déstructurent ce sol, que la terre et la faune souterraine ont besoin d'un couvre-sol pour se protéger du soleil et de la sécheresse, que les plantes ont besoin de diversité pour se protéger de leurs prédateurs et pour se stimuler entre elles, que les oiseaux et les insectes utiles ont besoin de plans d'eau pour s'intégrer au jardin, que la monoculture entraîne un déséquilibre dans tous les écosystèmes présents.

Après avoir installé un jardin écologique permanent, trois années sont nécessaires pour que la vie reprenne sa place, pour que la structure du sol se rétablisse, pour que les microorganismes et la faune souterraine travaillent à leur pleine capacité, pour que les oiseaux, les insectes utiles et les autres organismes vivants apportent leur contribution bénéfique. Ensuite, c'est magique ! Il suffit d'un minimum d'efforts et d'investissements pour un maximum de production. C'est la nature qui fait le plus gros du travail: plus de labour, très peu de désherbage et d'entretien, pas de pollution par la machinerie lourde, les engrais, les pesticides ou les insecticides. L'équilibre des cycles de la nature et des écosystèmes est rétabli: ce qui signifie, entre autres, qu'avec une autorégulation des espèces, aucune d'elles ne prend le contrôle pour envahir le jardin. Le résultat ? Une économie de temps et d'argent, une valeur ajoutée à l'agriculture et une solution aux défis environnementaux. Pour le consommateur, c'est un délice pour l'œil, l'odorat et le palais: un jardin de fruits, de légumes, de fleurs et de fines herbes biologiques, avec des couleurs plus éclatantes, des propriétés plus nutritives et des saveurs inégalées.

  1. Fukuoka, Masanobu (1978), La révolution d'un seul brin de paille: Une introduction à l'agriculture sauvage, Japon, Rodale Press, Emmaus. Traduction (1983): Guy Trédaniel, 202 pages
    Fukuoka, Masanobu. L'agriculture naturelle: Théorie et pratique pour une philosophie verte. Le Non-faire. Japon. Rodale Press. Emmaus. Traduction (1989): Guy Trédaniel. 319 pages

  2. Molisson, Bill, Holmgren, David (1978), Permaculture I : une agriculture pérenne pour l'autosuffisance et les exploitations de toutes tailles, Australie: Tagari publication. Traduction (1986) Paris: Debard.
    Molisson, Bill. (1981) Permaculture II : Aménagements pratiques en campagne et en ville. Australie: Tagari publication. Traduction (1986) Paris: Debard. 180 pages.
    Molisson, Bill. (1986) Permaculture: a designer manuel. Australie. Tagari publication. 576 pages

  3. Holmgren, David (2002) Holmgren Design Services, Australia, 2002, 286 pages
    Holmgren, David (1995) "Melliodora" Hepburns Permaculture gardens 10 years of sustainable living. Australie

  4. The permaculture activist. Newsletter of the permaculture Institute of North America (PINA). Cette feuille de chou qui comptait environ une douzaine de pages à ses débuts à l'été 1985 constitue maintenant une revue d'une soixantaine de pages. www permacultureactivist.net
Article paru dans le magazine Bio-bulle no 68
Mai 2006
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