Articles  >  Jardinage autofertile et permaculture  >  Couper les cercles vicieux

Couper les cercles vicieux

par Réjean Roy  
La gestion de la pollution causée par l’azote et le phosphore est difficile parce qu’on se retrouve dans le cercle vicieux des engrais chimiques. II peut être facile de gérer le tout autrement avec la permaculture, car celle-ci nous permet de remplacer le cercle vicieux par un cycle de la nature. Voici comment !

Comment régler le problème de la pollution de l’environnement occasionnée par l’azote et le phosphore ? Actuellement, en agriculture, on cherche à l’arrêter en gérant la façon d’utiliser les fumiers et les engrais selon les quantités employées et leur distribution sur les terres. Cette façon de procéder nécessite une coordination, des lois, des plans d’actions et la confiance que ces prévisions seront appliquées sur le terrain. Beaucoup de facteurs peuvent faire en sorte que ces solutions soient difficiles à appliquer, ou encore plus ou moins efficaces sur le terrain. On doit compter avec les caprices de la nature, les erreurs humaines et le manque de conscience ou d’honnêteté de certaines personnes, etc. À court terme, ces solutions étaient indispensables, mais à long terme, elles seront inefficaces parce qu’on ne se sera pas préoccupé du problème à sa base. Le cercle vicieux qui s’ensuivra va continuer d’aller en augmentant, et la simple gestion du problème ne sera bientôt plus suffisante. Un jour ou l’autre, nous devrons regarder la question dans son ensemble et prendre nos responsabilités. Ce sont nos actions qui ont engendré le cercle vicieux qui nous cause tous ces problèmes, qu’ils soient d’ordre environnemental, de gestion ou de santé. C’est à la source que nous devons concentrer nos efforts.

AVANT L’ARRIVÉE DES FERTILISANTS CHIMIQUES
Regardons de façon schématisée ce qui se passait avant l’arrivée des fertilisants chimiques. Tout était sain, on fertilisait avec des fumiers et des paillis sains. Tout allait relativement bien, et la nature pouvait même se permettre un certain lot d’agressions ou de perturbations naturelles ou artificielles. Elle avait ce qu’on peut appeler une «capacité de réserve» lui permettant de maintenir un bon équilibre et la santé de ses occupants sans laisser de traces.

L’APPARITION DES ENGRAIS CHIMIQUES
Regardons maintenant ce qui s’est passé avec l’apparition des engrais chimiques. Au début, dans un milieu sain et équilibré, on utilisait encore des fumiers sains et équilibrés. L’impact des engrais chimiques a donné des résultats en apparence minimes. La nature a maintenu la santé et l’équilibre, mais au prix de voir disparaître sa capacité de réserve. L’ensemble fonctionne encore bien, mais l’équilibre et la santé de chacun de ses éléments ont été fragilisés, et à la longue, on retrouve dans le système du fumier déséquilibré contenant des quantités excessives de phosphore et d’azote.

Ceci nous amène dans une troisième situation. L’ensemble de l’apport de fertilisants est en déséquilibre. Le fumier est malsain et déséquilibré parce qu’il provient d’animaux fragiles et instables. On y introduit des engrais malsains et déséquilibrés parce qu’ils sont fabriqués artificiellement et qu’ils ne contiennent que trois ou quatre de la centaine d’éléments dont la nature a besoin. On ajoute tout cela à un milieu déjà perturbé et qui n’a plus de capacité de réserve. On avait détruit cette réserve seulement avec l’apport de l’engrais chimique dans un milieu sain. Maintenant, on a un double apport, soit l’engrais chimique et le fumier malsain, et on l’applique dans un milieu déjà perturbé et qui n’a plus de capacité de réserve. Pouvait-on sérieusement s’attendre à autre chose que des plantes, des animaux et des humains malades ainsi qu’à un milieu perturbé ? Il était prévisible que pour maintenir le tout en vie, nous serions obligés d’aider chacun d’eux à coup de pesticides, d’antibiotiques et d’un million de procédures de soutien. Est-il surprenant après cela de voir disparaître des espèces de plus en plus rapidement chaque jour ? Le seul temps dans l’histoire où l’on a vu disparaître des espèces aussi rapidement, c’est lors des grands bouleversements. L’être humain se veut-il vraiment le responsable de ce grand bouleversement non naturel ?

BRISER LE CYCLE !
On doit briser ce cycle. L’histoire nous rappelle que ce ne sont pas les gouvernements ni les groupes dirigeants qui corrigent les erreurs, mais les citoyens qui, chacun chez soi, améliorent la situation. Ces marginaux donnent ainsi l’exemple à tous les gens voulant que les choses changent. Lorsqu’il y a assez de monde mis à contribution, la pression fait bouger les dirigeants et les gouvernements. Que ce soit dû à leur nouvelle ouverture de conscience ou à la peur de ne pas être réélus, cela n’a pas d’importance. Les choses commencent alors à changer. Tout changement est profitable, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire. Si c’est pour le meilleur, tout le monde est satisfait, et si c’est pour le pire, d’autres personnes feront des pressions et amèneront d’autres changements à nouveau pour le meilleur ou pour le pire, et ainsi de suite. N’est-ce pas là le lot de chaque génération ? Profiter du meilleur de ce qui a été fait avant, améliorer le tout en corrigeant ce qui ne va pas et en y ajoutant de nouvelles erreurs qui seront à leur tour corrigées par la génération qui suit...

LA PERMACULTURE : UN MOYEN
Chacun de nous doit faire sa part. C’est en donnant l’exemple, en faisant des pressions sur les dirigeants et en pointant ceux qui donnent l’exemple que le monde va changer pour quelque chose d’un peu mieux. La permaculture nous donne un moyen de changer les choses sur notre propre terrain. Elle permet à ceux qui le désirent d’améliorer leur qualité de vie, de faire leur part pour l’environnement et ainsi donner l’exemple.

En permaculture, on ne cherche pas à gérer le problème. On cherche à l’éliminer à la base pour éviter son apparition dans le cycle. On laisse à la nature le soin de gérer l’azote et le phosphore – et bien d’autres choses – à sa façon, avec la bonne dose et au bon moment. On ne fait qu’aider la nature pour qu’elle se gère elle-même. Par exemple, il existe des bactéries ayant pour rôle de fixer dans le sol l’azote présent dans l’air, et il y a des champignons qui font de même pour le phosphore, et ainsi de suite pour tout ce qui existe dans la nature depuis toujours. Ces éléments sont présents dans le sol – un sol sain – et ne demandent pas mieux que de jouer leur rôle. Ces micro-organismes et ces cycles naturels sont toujours en étroite association avec les plantes, les animaux et d’autres éléments présents dans la nature. Lorsque c’est la nature qui fait le travail, elle le fait au bon moment et selon la quantité demandée par les plantes (leur interrelation est donc extrêmement importante). Il n’y a donc pas de déficience, ce qui garde les plantes fortes, en santé et avec une production abondante. Il n’y a pas d’excès non plus, donc pas de perte polluant la nature. Les plantes, les animaux et les fumiers ne créeront pas de surplus, pas de pollution et donc pas de cercle vicieux non plus. Avec comme résultat final la simplification de la gestion des fumiers et l’économie sur les intrants (achat d’engrais chimiques et d’autres pesticides et antibiotiques).

DES EXEMPLES AU JARDIN
Pour y arriver, il suffit de quelques actions visant à recréer des aménagements ressemblant à ceux de la nature. On peut répartir dans le jardin des plantes qui aident à fixer l’azote ou le phosphore, et ainsi les rendre disponibles pour les autres plantes de notre culture qui en ont grandement besoin sans être aptes à en produire pour elles-mêmes. Pour avoir de bonnes récoltes sur le terrain, il faut non seulement bien agencer la variété des plantes entre elles, mais maintenir le sol toujours couvert de paillis. De plus, plusieurs petits plans d’eau répartis au jardin permettront à ces organismes et à ces cycles naturels de vivre, de travailler, de se nourrir et de cohabiter au jardin.

On apprend comment gérer ces éléments de façon naturelle en quelques jours de formation en jardinage autofertile et en permaculture. Ces informations sont utiles tant pour les jardiniers que pour les agriculteurs, car la nature est la même partout; seuls les outils utilisés et le type de plante changent. On peut adapter la permaculture autant pour les grandes surfaces que pour les petits jardins ainsi que pour tous types de production végétale ou animale.
Article paru dans le magazine Bio-bulle no 56
Mars 2005
Flèche vers le hautHaut de page